Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Déficit public : dépasser les débats stériles

En commettant une erreur d’appréciation de 18 milliards d’euros, le gouvernement s’est mis dans une situation budgétaire délicate. La somme représente la différence entre le déficit public attendu pour l’année 2023 et la cruelle réalité. L’Insee a mis fin aux illusions en publiant, mardi 26 mars, le solde de nos comptes publics. Les dépenses ont excédé les recettes − moins abondantes que prévu − de 154 milliards d’euros. Ce déficit, en hausse de 22 % en un an, représente 5,5 % du PIB, soit 0,6 point de plus que ce qui était anticipé. Un « dérapage important et très très rare », s’est alarmé le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici.
Après une période de déni, qui a conduit à négliger le sujet lors de la campagne présidentielle de 2022, puis un temps de flottement marqué par une imprévoyance coupable sur le ralentissement de la conjoncture, la France ne peut plus se dérober face au déséquilibre de ses comptes publics. Le pays est sous pression de ses partenaires européens − plus vertueux – et des agences de notation financière. Le scénario de la fin du quinquennat doit être réécrit. Quant aux candidats à l’élection de 2027, ils pourront difficilement éluder le problème.
Le fait de procrastiner sur la réduction des déficits et de croire que la croissance serait la solution à notre laxisme budgétaire n’a fait qu’aboutir à ce que la marche soit encore plus difficile à gravir aujourd’hui. Pour tenir l’objectif d’un déficit inférieur à 3 % de PIB en 2027, la Cour des comptes estime qu’il faudra désormais trouver 50 milliards d’économies. L’effort est d’autant plus inédit dans l’histoire récente qu’il doit s’accompagner d’investissements indispensables dans la transition écologique, l’éducation, la santé et la défense, tout en assumant une charge de la dette qui représentera bientôt le premier poste budgétaire de l’Etat. Le maintien de la trajectoire fixée il y a à peine quelques mois devient très hypothétique.
Il est désormais indispensable de dépasser les débats stériles. Si l’inaction sur la baisse des dépenses publiques n’est plus une option, les solutions radicales consistant à réaliser des économies drastiques ne sont pas plus réalistes. Agir trop vite, trop fort, dans un contexte de ralentissement économique, aboutirait inéluctablement à casser la croissance des prochaines années.
Le débat fiscal n’est guère mieux engagé. Il se polarise autour de deux postures extrêmes. D’un côté, le refus catégorique du pouvoir exécutif d’augmenter les impôts. De l’autre, la tentation de faire de la fiscalité l’alpha et l’oméga du rétablissement de nos finances publiques. Avec des prélèvements obligatoires parmi les plus élevés du monde, la marge de manœuvre est étroite. Toutefois, au regard de la situation, il sera difficile de se priver du levier fiscal. A deux conditions : agir avec discernement pour ne pas obérer les futures recettes et répartir équitablement les efforts pour que ceux-ci aient une chance d’être acceptés. Taxer davantage les superprofits des énergéticiens devient une évidence.
Au-delà des sources d’économies et du niveau de la fiscalité, la réflexion doit aussi porter sur la façon d’améliorer la qualité des dépenses publiques et d’accroître leur efficacité au regard de ce que la collectivité en attend. Depuis 2017, elles ont augmenté de 314 milliards d’euros, ce qui n’empêche pas huit Français sur dix d’avoir le sentiment que les services publics se dégradent. Chaque parti doit méditer ce paradoxe et en tirer les conclusions.
Le Monde

Contribuer

en_USEnglish